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Lotissement / Cahier des charges / Règles d’urbanisme / Caducité

Cass. Civ. III : 7.12.05


Les lotissements créés depuis 1977 sont facultativement régis par un règlement et/ou un cahier des charges. Le règlement, rédigé par le lotisseur, a pour objet d'apporter des compléments aux règles d'urbanisme déjà en vigueur. Il doit être compatible avec celles-ci et être approuvé par l'autorité administrative. Le cahier des charges quant à lui est un document contractuel de droit privé fixant les relations entre le lotisseur et les co-lotis et celles des co-lotis entre eux.

Afin de ne pas laisser se pérenniser des " règles d'urbanisme d'origine privée ", il est prévu que les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de s'appliquer au terme de dix ans à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu sauf opposition expresse des co-lotis (Code de l'urbanisme : L.315-2).

La Cour de cassation considère, cependant, que les dispositions de l'article L.315-2-1 ne remettent pas en cause les dispositions d'un cahier des charges et que ce document, quelle que soit sa date, approuvé ou non, revêtant un caractère contractuel, ses clauses engagent les co-lotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues sans limitation dans le temps (Cass. Civ. III : 12.2.97). Or, nombre de documents dénommés cahiers des charges comportent des normes d'urbanisme ou, situation plus délicate, " contractualisent " le contenu du règlement ou du document d'urbanisme en vigueur à l'époque.

De fait, les règles d'urbanisme propres au lotissement qui ont été " contractualisées " continuent de régir les rapports de droit privé des co-lotis après l'expiration du délai de 10 ans. Les colotis peuvent alors invoquer le non respect du contrat devant le juge judiciaire et ceci sans avoir à faire état d'un préjudice. Les conséquences sont lourdes puisque de nombreuses condamnations à démolition sont intervenues ces dernières années sur le fondement d'anciens cahiers des charges jusque-là oubliés de tous.

Afin de limiter l'insécurité juridique créée par cette jurisprudence, la loi SRU du 13 décembre 2000 a introduit au Code de l'urbanisme un nouvel article L.111-5 qui dispose que " la seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel ". Cet article, s'il n'empêche pas la contractualisation volontaire des règlements dès lors que le rédacteur du cahier des charges ou d'un acte de vente l'aura expressément prévu, permet en revanche d'éviter la contractualisation fortuite des règles d'urbanisme… mais seulement pour les lotissements créés depuis 1977. C'est ce que nous apprend de manière implicite l'arrêt du 7 décembre 2005.

En l'espèce, un co-loti avait été condamné à démolir une construction contraire à une zone non-aedificandi délimitée par le plan du lotissement approuvé en 1954, plan visé par l'article 1er du document dénommé cahier des charges et annexé à celui-ci. Le co-loti condamné soutenait en cassation qu'en déduisant la valeur contractuelle du plan du lotissement du seul fait que le cahier des charges le vise et stipule son annexion sans rechercher si ce document ne constituait pas un règlement d'urbanisme compte tenu de sa nature et de l'intention des colotis, la Cour d'appel avait violé l'article L.111-5 du Code de l'urbanisme.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que ni le cahier des charges du lotissement, ni le plan qui y est annexé ne constituent en eux-mêmes un règlement du lotissement ou un document d'urbanisme préexistant susceptible d'être reproduit dans un cahier des charges. On en déduit que pour que l'article L.111-5 puisse jouer, il faut d'abord démontrer l'existence d'un règlement ou d'un plan d'urbanisme préexistant ainsi que leur reprise dans le cahier des charges qui devra leur être postérieur.

Cette jurisprudence rend l'article L.111-5 inapplicable aux lotissements approuvés avant 1977, dans la mesure où le règlement tel qu'on l'entend aujourd'hui n'était pas distinct du cahier des charges. En effet, le lotisseur n'était à l'époque tenu que de présenter à l'administration un plan du lotissement et un cahier des charges, lequel comportait tout à la fois des règles régissant les relations entre co-lotis et des normes d'urbanisme.

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